La presse en parle...

Léonie et Noélie - Texte de Nathalier Papin (grand prix de litterature dramatique jeunesse en 2016), mise en scène Karelle Prugnaud - cie l'envers du décor. Dimanche 9 décembre à 17h.

Festival d’Avignon:

Qu’est-ce que la stégophilie ? Léonie le sait, qui apprend le dictionnaire par cœur. C’est justement la passion de sa sœur jumelle Noélie : l’escalade des toitures.
Elles ont seize ans, et nées du même œuf ou zygote, comme se plaît à le dire Léonie. Orphelines, elles ont incendié le foyer qui les recueille, de peur d’être séparées. Grimpées sur les toits, elles contemplent leur méfait. Par un jeu de miroir, l’amoureuse des mots et la funambule vont au bout de leur passion, à la fois semblables et différentes. Elles n’ont pas froid aux yeux !
Avec Léonie et Noélie, Nathalie Papin, autrice majeure de théâtre-jeunesse (Mange-moi, Le Pays de Rien, Quand j’aurai mille et un ans...), aborde le thème de la gémellité : « J’ai souhaité interroger ma mère sur le rapport qu’elle entretenait avec sa propre jumelle. Beaucoup de réécritures, à la suite de cette discussion entre ma mère et moi, s’en sont suivies, mais Léonie et Noélie m’est apparue comme la version la plus libre, la plus dégagée de son récit personnel. ».
Ici, les jumelles ont seize ans. L’âge de s’émanciper et de se distinguer. Un dénommé Mattias, lui aussi stégophile, dont on perçoit la présence, permettra cette nécessaire séparation, après une rivalité apparente entre les sœurs. « Si tu dis le dernier mot du dictionnaire, on se sépare, dit Léonie. Nos rêves sont déjà séparés, lui répond Noélie.»
« Ces personnages, remarque Karelle Prugnaud, nous posent aussi la question du «n’être qu’un». C’est toute une réfexion autour de l’émancipation et de l’identité qui est au travail. Si, d’un seul coup, chacune d’elles a accès à elle-même, que lâchent-elles? ». La metteuse en scène se saisit du texte de Nathalie Papin à bras-le-corps, tout en en respectant la délicatesse et la dimension onirique. Des plumes blanches, puis des images du ciel où parmi les nuages, fottent des cellules et des fœtus, accueillent les spectateurs. Sur des écrans côté cour et côté jardin, des représentants de l’autorité apparaissent de temps à autre : mère, professeur, juge, policier... pour délivrer un discours répressif. Acrobate et performeuse, Karelle Prugnaud donne du champ au   jeu   des   comédiennes, avec   ces   images   excentrées   ; elle   a   aussi confié   à   deux freerunners (sauteurs d’obstacles), le rôle de Matthias.
Perchées sur une structure métallique à plusieurs paliers, Justine Martini et Daphné Millefoa racontent leurs aspirations, leurs rêves et leurs souffrances. La Chapelle des Pénitents blancs, toujours diffcile à habiter, a inspiré à Thierry Grand un décor tout en hauteur où Mattias, (Simon Nogueira et Yoann Leroux), déambule au-dessus du vide, cabriole, et se glisse dans les interstices. Diablotins facétieux, ces circassiens omniprésents sont invisibles pour les fllettes.
Coiffées et habillées à l’identique, à la mode des écolières japonaises, les adolescentes parcourent cette structure comme une passerelle vers leur émancipation: « Moitié grandes, moitié petites. (...) On est des doubles et des moitiés.» Elles partagent l’absolu de l’enfance, et le vertige devant l’avenir.
La musique de Rémy Lesperon passe d’une plénitude douce, à des moments de chaos. Et à la fn, les acrobates se transforment en anges : l’un noir, l’autre blanc... La force des mots et celle des images se conjuguent pour une heure de plaisir. On se réjouit de voir un spectacle jeune public, programmé dix jours de suite dans le festival in, et d’une qualité telle qu’il plaît aux enfants comme aux adultes venusnombreux...
Mireille Davidovici

Léonie et Noélie
Au T4S dimanche 9 décembre à 17h
Dès 8 ans